En France, la ministre de la Culture – Mme Nyssen – s’est récemment exprimée en faveur d’une nouvelle loi qui viendrait lutter contre les nouvelles formes de piratage que sont le téléchargement direct et le streaming.
Cette nouvelle proposition de travail fait suite à la loi Hadopi qui surveille les réseaux de partage Peer to Peer (P2P) mais qui ne semble pas réellement couronnée de succès d’après de nombreux observateurs.
Mme Nyssen, ministre et co-fondatrice de la maison d’édition Actes Sud, ne peut aussi ignorer que le monde de l’édition n’avait pas réussi à se mettre d’accord pour que le téléchargement illégal de livres intègre le programme Hadopi.
C’est sans doute cette erreur, et celle de tout miser sur le P2P, que souhaite corriger la ministre en proposant un nouveau texte de loi.
Mais, est-ce pour autant la fin annoncée du piratage de livres ?
Pas si sûr, car il y a deux raisons qui me semblent travailler ensemble pour favoriser le piratage.
La première raison est, bien évidemment, la mise à disposition de fichiers illégaux sur des plate-formes de téléchargement, des sites Internet, des logiciels P2P, etc.
La deuxième raison est l’adéquation de l’offre légale avec les attentes du consommateur.
Si l’offre légale est bien conçue, alors l’incitation à mettre à disposition des livres et à cherchez ceux-ci (parfois avidement) va simplement disparaître. En gros, la mise à disposition d’une offre légale suffisante en quantité, qualité et accessible devrait suffire à enrayer une bonne partie du piratage.
Dans la musique on a vu que la baisse drastique du prix du disque dématérialisé ainsi que l’utilisation du format populaire MP3 a permis au piratage de baisser grandement de même que le streaming avec Spotify (70 millions d’abonnés dans le monde) ou Deezer.
C’est aussi le cas pour le cinéma et les séries avec les offres de streaming payants d’Amazon et Netlifx (plus de 2,5 millions d’abonnés rien qu’en France qui paient tous les mois).
Bien évidemment, il y a toujours du piratage de musique ou de films, en particulier pour les nouveautés qui échappent au tarif dégressif du disque et dont la loi ne permet pas le passage rapidement dans une offre de streaming (chronologie des médias).
Mon sentiment c’est que si l’industrie du livre n’arrive pas à trouver un modèle économique suffisant et bien conçu pour le lecteur amateur de livres (à lire : est-ce que lire des ebooks est avantageux économiquement ?), même une nouvelle loi ne pourra enrayer le piratage des livres.
Les pirates se déplacent petit à petit sur des communautés fermées en cercle restreint (Facebook, Reddit, sites protégés par mots de passe ou invitation) et il me semble qu’on peut trouver de plus en plus de nouveautés littéraires en téléchargement illégal.
Aujourd’hui en France, le sentiment majoritaire c’est que l’ebook est trop cher. Et c’est cela la raison principale qui tourne les gens vers le piratage.
Mais, la ministre de culture, avec ces nombreux contacts dans le monde de l’édition, ne peut pas prêcher contre sa paroisse.
Voir les propositions de la ministre sur le site Le Monde.
Bonjour,
je partage votre analyse. Le problème avec les intermédiaires de l’édition/production livres et musiques et qu’ils mettent tous le monde dans le même panier, c’est à dire des pirates. Dans le monde de la musique, du CD et du DVD, ils ont mis des protections numériques très contraignantes (un seul lecteur possible pour cause de DRM) et des messages contre le piratage très violent (voir les films DVD). Le résultat est que ceux sont ceux qui achètent, qui subissent ces messages et ces contraintes, et non les pirates.
Pour autant une grande majorité des gens achètent, voir sont prêt à acheter, si :
l’offre est honnête : c’est dire que le prix soit indexé sur le contenu, c’est à dire le texte seul, et non indexé sur le format, la reliure, le grammage du papier qui en numérique n’a pas lieu.
Actuellement le prix d’un livre numérique n’est pas en phase des attentes des usagers. Alors que la musique, a bien évolué, et peut être téléchargée pour un faible montant par mois (voir spotify et autres), où acheter à l’unité pour 1€ environ.
Si le livre est à ce prix, c’est parce qu’une petit court d’éditeurs font la pluie et le beau temps sur le marché. Qu’arrivent des acteurs plus percutants (un Free, un google, ou autre) et ces acteurs mettront la clé sous la porte pour ne pas avoir fait l’effort nécessaire. Mais bien sur ils viendront avant tout pleurer sous les jupes de l’état, en brandissant le panneau « c’est la faute du piratage ».
Merci pour cette analyse pertinente.