Des informations révèlent qu’Amazon enregistre tout ce que font les utilisateurs, ce qui semble choquer certaines personnes. Pourtant, il est bon de rappeler que les lecteurs et les livres ont toujours été scrutés avec beaucoup d’attention…
Kindle : la liseuse qui nous espionne ?
Avant toute chose, parlons d’Amazon et de sa liseuse Kindle.
L’information a été lâchée par Adrianne Jeffries, une journaliste, qui a expliqué via Twitter que l’entreprise américaine enregistre chaque action que vous faite sur votre liseuse.
En gros : si vous allez dans votre bibliothèque, Amazon le saura, si vous cliquez pour activer le Wifi, Amazon pourra le savoir aussi et – évidemment – Amazon sait quels livres vous lisez.
Amazon explique cela en indiquant que c’est pour améliorer l’utilisation de ses appareils. Ainsi, en regardant comment vous utilisez certaines fonctionnalités, ils peuvent les améliorer ou les changer. (lire ici pour en savoir plus : https://www.lesnumeriques.com/liseuse/liseuse-kindle-amazon-enregistre-chaque-action-et-s-en-explique-n146735.html )
Cela peut paraître surprenant, mais la plupart des logiciels informatiques fonctionnent ainsi maintenant.
Par exemple, les utilisateurs d’iPhone savent que leur appareil envoie sans cesse des informations à Apple (contacts, calendrier, santé, etc.). C’est en partie en raison du système de sauvegarde iCloud.
Mais, Apple va plus loin et « rassemble des données d’utilisation de iCloud pour améliorer la qualité du serivice » (« We also collect data on your use of iCloud to provide and improve the quality of the service. » – https://support.apple.com/en-us/HT208650 ).
Même si l’on espère être à l’abri de ce genre de pratique, il est aujourd’hui difficile d’utiliser des appareils numériques connectés à Internet sans laisser de trace.
Au moins, on a un avantage en utilisant un Kindle : on peut couper le Wifi et y charger des ebooks sans jamais avoir à faire une seule fois à Amazon ! Ou plus simplement demander à Amazon de ne pas collecter nos données.
Clairement, il y a un bon coup à jouer pour les fabricants de liseuses qui souhaitent mettre en avant le respect de la vie privé sur leurs appareils (si il existe…).
Le livre : un outil d’espionnage de masse
Ce sujet est suffisamment intéressant pour que j’enquête (le mot est peut-être un peu fort) sur la façon dont la lecture peut amener des structures privées ou publiques à espionner les lecteurs.
Tout d’abord, il est facile de réaliser depuis l’avènement du numérique que les librairies en ligne (Kindle, Kobo, Bookeen, Vivlio, etc.) savent exactement les livres que nous lisons. Tout comme pour un moteur de recherche, Youtube ou votre fournisseur Internet : vous y laisser des traces et tout se sait sur le web.
Les libraires numériques ont la liste de nos achats et donc, quelque part, de nos centres d’intérêts. Ensuite, les appareils qui proposent des fonctions de synchronisations avec les applications mobiles ou entre liseuses, savent aussi si nous avons lu les livres, à quelle vitesse et où nous avons arrêté la lecture.
Ce phénomène n’est pas nouveau : si vous empruntez des livres dans une bibliothèque municipale la liste des livres que vous avez empruntés est bien lié à votre nom, votre adresse, etc.
C’est aussi le cas si vous commandez un livre en ligne sur Amazon, Fnac, Decitre, etc.
Il va s’en dire qu’une personne ou un organisme souhaitant en savoir plus sur vos habitudes de lecture pourrait aller interroger vos fournisseurs de livres.
La seule solution de passer entre les mailles du filet est d’acheter en librairie en payant en argent liquide ou de s’échanger des livres libres de droit au format EPUB sous le manteau…
Si cela vous semble être proche de la science-fiction, on a des exemples historiques proches qui nous montre que le livre a déjà été utilisé comme outil de surveillance.
Le livre « Livres pillés, lectures surveillées » (voir sur Amazon) de Martine Poulain relate les événements qui se sont déroulés sous le régime de Vichy, en France.
En 1940, Bernard Faÿ (historien proche de l’extrême-droite) se rapproche du Maréchal Pétain et devient administrateur de la Bibliothèque Nationale du régime de Vichy (devenue BnF dans les années 90). Il organise alors la surveillance des livres mais aussi de ceux qui les empruntent dans toute la France…
On trouve également de nombreux faits historiques qui relatent des autodafés de livres. La liste est tellement longue qu’il y a une page Wikipedia en anglais sur ce sujet (mais pas en français curieusement ou alors je ne l’ai pas trouvée).
Le livre est une arme qui fait peur
Depuis des décennies, les livres sont toujours considérés comme sensibles et les auteurs surveillés en raison de leurs écrits – à juste titre ou non : Ray Bradbury, Matzneff, beaucoup d’autres, etc.
Il y a par exemple les cas des pamphlets de Céline ou de la réédition de Mein Kampf qui montrent que publier certains textes fait peur aux gens et aux autorités pour des raisons souvent évidentes.
Mais, il y a aussi les cas intéressants de témoignages de jeunes femmes qui forcent la justice à se pencher sur le cas d’hommes publiques aux mœurs douteuses ou dégoûtantes.
Le livre est donc une arme qui est utilisée très largement et parfois interdite ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_livres_censurés_en_France ).
Ce tableau peut sembler assez sombre. Mais je continue de penser que le numérique va permettre de développer grandement la lecture auprès des nouvelles générations.
Il serait donc dommage de mettre de côté la lecture numérique, les liseuses et les ebooks pour des problèmes qui ne sont en réalité que des problèmes intégrés au support lui-même depuis des centaines d’années : le livre.