Je vous propose un article un peu particulier avec une interview de Laurent Hentz, créateur de Numipage, une entreprise qui vient en aide aux professionnels de l’édition qui souhaitent se tourner vers le numérique.
Bonjour Laurent, vous êtes le créateur de Numipage, pouvez-vous vous présenter pour les gens qui ne vous connaissent pas encore ?
Bonjour Nicolas, merci pour cette proposition d’interview.
Je m’appelle donc Laurent Hentz et je suis fondateur d’une société nommée Numipage qui accompagne depuis bientôt dix ans les professionnels de l’édition dans leur transition numérique et en particulier pour la création d’ebook.
Quel a été votre premier contact avec les liseuses et les ebooks ?
J’ai découvert le monde de l’édition numérique assez tôt, en 2007 précisément, lors de mon stage de fin d’étude chez M21 Editions qui explorait déjà alors ce domaine et qui avait pour ambition de coupler sa collection de livres numériques à une communauté en ligne d’auteur. Ils étaient très en avance pour l’époque.
Je travaillais alors avec un logiciel français appelé Mobipocket pour la création des ebooks qui ensuite a été racheté par Amazon qui en a conservé le nom pour un de ses formats propriétaires.
On travaillait également avec Bookeen pour proposer des packs de livres numériques inclus dans leurs liseuses.
Aujourd’hui, est-ce que vous lisez plus d’ebooks que de livres papier ?
Sur mon temps de loisirs je lis beaucoup de BD et de manga, la lecture numérique ne m’a trop séduite pour l’instant dans ce domaine.
Par contre, sur mon temps professionnel j’achète plus en numérique, soit parce que les ouvrages ne sont vendus que sous cette forme en France (pour les livres en anglais), soit pour des raisons financières ou pour des raisons pratiques.
Sur quelle liseuse lisez-vous ? Qu’est-ce qui vous a fait choisir ce modèle ?
Je lis soit sur une Kobo, soit sur une Kindle. La Kobo pour les livres libres de droits, la Kindle pour les ouvrages professionnels.
J’ai fait ces choix pour des raisons professionnelles, j’utilise avant tout les liseuses pour tester les ebooks.
Je pense que mon prochain achat sera une pocketbook (Vivlio), j’aime bien l’entreprise, française, qui est derrière cette liseuse, ils ont un esprit d’ouverture qui tranche par rapport à certains acteurs.
La lecture de livres numériques est beaucoup plus développée dans les pays anglo-saxons qu’en France, selon vous qu’est-ce qui pourrait accélérer son développement ?
Selon moi les liseuses répondent à un marché bien particulier, celui des grands lecteurs ou de professionnels faisant beaucoup de déplacement. Les français sont très attachés à l’objet livre.
Cependant la lecture numérique infuse dans notre société et les chiffres communiqués se limitent trop à la forme homothétique des ebooks. On a peu de chiffres sur les applications de lecture. De plus, beaucoup de sites se substituent aux livres papiers, dans le domaine de la cuisine, du bricolage, etc.
On lit aussi beaucoup sur téléphone, peut être qu’un modèle de téléphone pliable avec un écran e-ink pourrait contribuer à la poursuite de la croissance des ventes en numérique ou la baisse des prix des ouvrages numériques populaires.
Vous formez des professionnels à la création d’ebooks, pensez-vous que la publication numérique n’est réservée qu’aux grosses structures ?
Beaucoup de petites structures le pensent, mais non effectivement, ce n’est pas le cas. La création d’ebook est quelque chose de tout à fait accessible.
Convertir un ebook au format ePub coûte en moyenne 150 euros, les distributeurs se rémunèrent eux au pourcentage. Le prix d’entrée pour une maison d’édition est donc faible et peut lui permettre d’élargir son audience à moindre coût.
Ainsi, n’importe quel petit éditeur peut commencer à publier son catalogue au format ebook sans réaliser de gros investissements ?
Oui tout à fait. J’ajouterais même que cette possibilité est aussi ouverte directement aux auteurs qui s’en saisissent de plus en plus par le biais des plate formes d’auto édition.
Sur ces plateformes, la création d’ebook est encore plus aisée, il suffit généralement de soumettre votre document et la plateforme le génère automatiquement en ePub et le distribue sur les principales librairies en ligne en échange d’un pourcentage sur les ventes.
« Le numérique a permis de nettement améliorer l’accessibilité de centaines de milliers d’ouvrages vers les lecteurs[…] »
On en parle peu en France, mais le numérique a permis de nettement améliorer l’accessibilité de centaines de milliers d’ouvrages vers les lecteurs, soit pour les ouvrages libres de droit proposés gratuitement sur la toile, soit avec des ouvrages qui ne trouvaient pas leur place en librairie.
Certains lecteurs, déficients visuels notamment, étaient éloignés de la lecture, dans une certaine indifférence, le numérique contribue à leur donner accès à la richesse de notre culture écrite.
D’une manière plus générale, comment voyez-vous le futur de la lecture numérique ou quelles sont vos attentes pour les années à venir ?
Je pense que la lecture numérique n’en est qu’à ses balbutiements.
La limite est l’imagination des nouveaux auteurs qui expérimentent de nouvelles formes de littératures permise par l’émergence rapide des réseaux sociaux ou de technologies aussi diverses que la réalité augmentée, la réalité virtuelle, l’intelligence artificielle etc.
Je pense à ce titre qu’une partie des auteurs de demain seront plus techniciens qu’actuellement, leur part de poésie et de créativité se retrouvera dans l’usage ou le détournement de technologies.
Est-ce que vous pensez que les bibliothèques ont encore un rôle à jouer dans le développement de l’ebook via le PNB (Prêt Numérique en Bibliothèque) notamment ?
L’offre d’ebook en bibliothèque rencontre un certain succès, le public est demandeur. Le PNB par contre est critiqué par certains professionnels car il limite l’accès à des connaissances qui pourraient être diffusées bien plus largement.
Mais le rôle de médiation des bibliothèques reste intact et elles cherchent à s’inscrire dans ce nouveau temps numérique en menant de nombreuses expérimentations.
Sur ce sujet je ne peux qu’inciter vos lecteurs à lire cet échange avec le bibliothécaire et auteur de livre Franck Queyraud sur la place de la création littéraire numérique en bibliothèque.
Je vous remercie pour votre temps, souhaitez-vous ajouter quelque chose ? Où les gens peuvent vous retrouver et vous contacter ?
Merci Nicolas pour cet échange très riche et pour vos questions. Je dirais en conclusion que les professionnels de l’édition ont tout intérêt à expérimenter dans le numérique, ne pas se laisser enfermer dans des à priori ou dans des bulles sectorielles, car ce qu’ils ne font pas d’autres le feront à leur place.
Si certaines sociétés rencontrent le succès c’est bien parce qu’elles répondent à une demande des utilisateurs, en refusant d’écouter la demande certains acteurs traditionnels se ferment des portes.
On peut retrouver l’ensemble de mes services, conseils et tutos autour de la création d’ebook sur mon site numipage.com.