Alors qu’on utilise toujours plus de papier dans le monde, nous allons voir que le livre papier constitue aussi une menace pour la planète et un enjeu écologique. L’occasion de s’interroger : la liseuse n’est-elle pas la solution rêvée ?
Depuis des années, le prix du papier nécessaire à la fabrication du papier augmente régulièrement. Une des raisons est qu’on a besoin de toujours plus de papier pour imprimer des livres. On importe aussi le papier de régions de plus en plus éloignées.
Nous allons voir que le livre a un impact écologique très important mais que la liseuse également.
On a besoin de toujours plus de papier
Prenons le cas de l’année 2018.
Durant cette année, il y a eu plusieurs hausses du prix du papier dit « non couché » qui est destiné à l’impression des livres qu’on trouve dans les librairies.
En août 2018, il y a eu une hausse des coûts d’environ 6% pour cette matière première.
Les causes de cette augmentation du prix du papier au niveau mondial étaient multiples :
- les carnets de commandes sont pleins : il est donc nécessaire d’investir pour augmenter la production
- le coût des matières premières augmente : la production de pâte à papier devient alors plus chère
- Le coût du transport augmente
Dès le mois de mars 2018, le groupe Lecta (Condat en France en Dorgogne, Cartiere del Garda en Italie et Torraspapel en Espagne) avait augmenté ses tarifs de 7% environ.
L’explication était la suivante :
« Cette hausse est inévitable pour compenser l’augmentation constante des coûts de production et plus particulièrement ceux de la pâte à papier »
Ces augmentations sont donc un sérieux coup dur pour tous les éditeurs de livres.
Un autre facteur facteur politique pourrait aussi venir compliquer les choses : les taxes à l’importation du papier venant de l’étranger ont entraîné de nouvelles augmentation des coûts. (surtout entre les grandes zones économiques que sont l’Europe, les États-Unis, le Canada et l’Asie)
Ce qui me marque le plus c’est que les carnets de commandes étaient pleins ce qui signifie que la demande mondiale de papier était en hausse sur 2018 et 2019.
Même avec la numérisation galopante du XXIe siècle, on ne peut que constater que les besoins en papier augmentent toujours !
Le livre papier pollue et a de moins en moins de sens
Il devient nécessaire de s’intéresser à la fabrication d’un livre papier pour comprendre comment les liseuses et les ebooks (le livre numérique) peuvent apporter une solution écologique intéressante pour la planète, pour le lecteur et pour l’éditeur.
Nous allons donc nous intéresser à la vie d’un livre.
Le livre sur papier non recyclé
Avant de créer un livre papier, il faut des arbres. Il faut aussi qu’ils soient très nombreux.
Un tirage à 5 000 exemplaires d’un livre nécessite environ 2 tonnes d’arbres.
Les arbres poussent dans des forêts et, il n’y a pas de secret, il est nécessaire de tronçonner les arbres pour ensuite utiliser ce bois (généralement transformé sous forme de copeaux) pour en faire du papier.
Je vous laisse déjà imaginer l’empreinte écologique de ce processus : les engins motorisés et scieries rejettent des gaz à effet de serre.
Les copeaux de bois sont ensuite transportés et transformés en pâte à papier, puis en grands rouleaux dans une usine spécialisée.
Le papier est maintenant transporté chez un imprimeur qui sera chargé de fabriquer le livre.
Après cette étape de fabrication le livre est transporté chez le libraire.
Lorsque vous achetez le livre, vous transportez le livre chez vous. Avec un peu de chance, vous vous déplacez à pied ou à vélo. Mais, dans la grande majorité des cas, vous utilisez un engin motorisé (y compris lorsque vous commandez en ligne puisqu’il faut livrer le livre jusqu’à votre boîte aux lettres).
Voici le schéma récapitulatif de l’empreinte écologique d’un livre papier :
Bien plus tard, vous aurez peut-être envie de vous séparer du livre (où alors vos enfants le feront pour vous après votre mort).
Le livre peut donc être incinéré chez vous (rejet de gaz à effet de serre), transporté dans un centre de recyclage où il sera ensuite à nouveau transporté dans une usine de fabrication de papier (ce qui produira une nouvelle pollution).
L’escroquerie écologique du livre papier imprimé sur papier recyclé
Si vous avez bien suivi les étapes de la vie d’un livre papier expliquée ci-dessus, la seule différence qu’il existe entre un livre sur papier recyclé et un livre sur papier non recyclé est celle de l’abattage d’un arbre et du transport de celui-ci.
Pour imprimer un livre avec du papier recyclé il est quand même nécessaire de :
- transporter le vieux papier dans l’usine
- fabriquer une nouvelle pâte à papier
- fabriquer du papier
- transporter le papier jusqu’à l’imprimeur
- transporter le livre jusqu’à la librairie
- transporter le livre jusque chez vous
Toutes ces étapes sont extrêmement polluantes et elles sont résumées sur ce schéma :
A ce niveau, on peut presque dire que le livre conçu avec du papier recyclé est du simple marketing tant son impact sur l’environnement reste important.
Son seul avantage est de ne pas avoir à couper d’arbres supplémentaires. Ce qui est déjà une bonne chose. On peut aussi ajouter le fait que l’on importe le papier de moins loin si une usine de recyclage de papier est proche de l’imprimeur.
Pour quelque chose de réellement complet, je vous invite à consulter l’article du site Futura Science qui m’a aidé lors de mes recherches.
Le bilan carbone des livres papiers
Depuis 2008, on a une étude américaine (USA) qui s’est intéressée de près au bilan carbone des livres, magazines et journaux imprimés sur papier.
On note donc qu’un livre papier émet 7,5 kg de CO2. Si cette étude a déjà quelques années, les progrès effectués pour diminuer cela ne sont pas significatifs.
On a même noté que le bilan pourrait être plus important puisque le papier utilisé pour les impressions vient de plus en plus loin (source).
Le bilan carbone d’une liseuse
Aujourd’hui, on sait que les coûts de fabrication d’une liseuse sont proches des 170 kg de CO2 d’après différentes estimations (source).
C’est très élevé pour un appareil électronique, puisque l’on sait qu’un smartphone a une empreinte carbone inférieure à 100 kg de CO2 sur sa durée de vie. (sources ADEME mais aussi Samsung et Apple).
Or, la fabrication d’une liseuse est très proche du mode de fabrication d’un smartphone(on a le même genre de composant en dehors de l’écran à encre électronique).
Ce qui fait augmenter le bilan carbone d’une liseuse c’est sans doute les économies d’échelle qui ne sont pas réalisées en raison du faible nombre de liseuses produites chaque année comparé aux smartphones (c’est une hypothèse personnelle).
Notez donc que plus on fabrique de liseuse et plus l’empreinte carbone d’une liseuse va diminuer.
Liseuse ou livre papier : qui est le plus écolo ?
D’après les études trouvées, il est impossible de tirer une conclusion claire sur l’empreinte carbone des livres papiers et des liseuses. Cela dépend surtout de votre usage et de vos habitudes de lecture pour savoir si le livre papier ou la liseuse est plus écolo. Mais, pour les gros lecteurs la liseuse est plus écolo.
Il est difficile de trouver les chiffres du bilan carbone du livre en Europe. On sait que l’empreinte carbone a tendance à augmenter en raison de l’importation du papier qui vient de toujours plus loin (source).
J’ai trouvé un graphique de l’ADEME qui compare l’empreinte carbone d’un livre lu une fois (1 kg) aux livres lus sur liseuse. Un graphique un peu foireux à mon sens…
Déjà, le chiffre aux USA est beaucoup plus important que celui noté par l’ADEME (Agence de la Transition écologique) dans son rapport de 2022 – qu’il faut donc prendre avec quelques pincettes…
Aux USA on a à plus de 7 Kg par livre ! Est-ce qu’ils importent le papier de plus loin ? Peut-être, mais peut-être qu’ils ont moins d’imprimeries sur le territoire et que les livres parcours plus de kilomètres avant de se retrouver dans les mains des lecteurs.
On trouve aussi ce document sur l’ADEME (explication vague) :
On pointe souvent du doigt les impacts du papier. Pourtant, lire un roman de 300 pages sur papier représente une empreinte carbone près de 10 fois moins importante que sa lecture sur liseuse ou tablette. Étonnant ? Oui, si l’on ne prend en compte que la transmission des données, correspondant au téléchargement d’un livre d’environ 3 Mo. Mais il faut aussi prendre en compte la fabrication, le transport et la fin vie des liseuses et tablettes. Autant d’éléments qui pèsent lourd sur la balance environnementale.
Source : ADEME
Notez, qu’ils ne mentionnent pas non plus le transport, la fin de vie des livres papiers (voir plus haut).
Ce que dit l’ADEME (en France donc), c’est qu’une liseuse a un intérêt écologique si on lit plus de 10 livres par an.
Je pense que la réalité se trouve plutôt entre 5 et 7 livres par an.
En effet, faisons quelques calculs rapides :
- empreinte carbone d’une liseuse : 170kg de CO2
- empreinte carbone d’un livre papier : 7 kg de CO2 (source l’étude de 2008)
- empreinte carbone d’un ebook à la livraison sur liseuse : 5 g (identique à une page web – qui pèse souvent moins qu’un ebook – source)
Déjà on voit que l’impact d’un ebook est négligeable. Il faudra que j’y revienne d’ailleurs dans un autre article.
Ensuite, en faisant un rapide calcul, on amorti l’empreinte carbone d’une liseuse au bout de 25 livres lus. Au delà, la liseuse devient plus écologique que le livre papier.
La liseuse est donc plus écolo si vous comptez l’utiliser pour lire plus de 25 livres. Ce qui sera sans doute le cas de la plupart de ses utilisateurs.
Pourquoi le numérique apporte une solution ?
A cette étape de l’article, vous avez peut être une idée de sa conclusion : la liseuse c’est bon pour la planète, pour l’écologie, pour votre santé et coûte moins cher – à condition de lire régulièrement !
L’éditeur, qui voit les coûts de production augmenter sans cesse en raison des prix exorbitants de la matière première, le papier, peut passer plus de temps avec les auteurs et les lecteurs en privilégiant le numérique.
Le lecteur peut faire un geste pour la planète en achetant des ebooks qu’il lira ensuite sur sa liseuse, sa tablette ou son téléphone qu’il utilise déjà tous les jours s’il ne souhaite pas acheter un nouvel appareil.
Reste l’imprimeur (ou le producteur de papier) qui peut souffrir de cette transformation de marché. Il lui restera toujours l’impression des cahiers, des beaux livres, des livres de coloriage et autres carnets et papiers professionnels.
Mais il peut aussi se recycler en devenant une entreprise spécialisée dans la production et la distribution de fichiers numériques. Il y a encore beaucoup de choses à faire dans ces domaines.
Voici un résumé en vidéo :
Peut-être que mon raisonnement n’est pas le bon, mais n’hésitez surtout pas à partager cet article autour de vous, sur les réseaux sociaux et à laisser un commentaire si vous souhaitez y apporter un complément.
Mise à jour de mars 2024 avec les dernières informations. Mise à jour de juillet 2020 : ajout des schémas et de compléments. Première publication le 27 juillet 2018.
Je pense que le coût du numérique est largement sous-estimé et que la question n’est pas facilement tranchée. Les matériaux électroniques ne demandent pas d’arbres mais des métaux rares ou des hydrocarbures, c’est-à-dire des matériaux non renouvelables, avec des conditions d’extractions qui sont beaucoup plus polluantes que l’abatage des arbres dans une forêt bien gérée. Le recyclage des matériaux électroniques est loin d’être une solution qui fonctionne bien, sans compter que les liseuses ont une durée de vie beaucoup plus limitée qu’un livre papier (j’ai des livres qui ont plus de 50 ans et qui sont toujours aussi lisibles, ma liseuse dans 50 ans elle ne vaudra plus rien).
J’ai trouvé ce lien qui donne des pistes https://www.consoglobe.com/duel-papier-vs-numerique-cg et qui a tendance à dire que pour le bilan carbone ce qui importe c’est la quantité de livres lu. Plus on lit de livres, plus la balance penche en faveur du numérique.
Un élément qui pose problème dans les schémas de l’article, c’est que le poids de chaque étape sur la pollution totale n’est pas le même. C’est pourquoi le recyclage de papier n’est probablement pas une escroquerie : la création de papier est sans doute plus coûteuse en énergie et en ressources que son recyclage et cette création de papier est sûrement le principal coût du processus. Le transport a selon moi une importance moindre (mais pas nulle évidemment).
Pour les liseuses on pourrait faire une analyse équivalente, on a le coût de production qui est énorme, mais aussi le coût de chargement électrique (sans doute très faible dans la balance, particulièrement pour l’encre électronique), le coût de récupération des livres (moins anodin qu’il y parait : des serveurs qui tournent en permanence, du stockage, transfert de donnée) et surtout le coût de renouvellement de la liseuse qui est inexistant pour le livre papier.
D’ailleurs pour les livres papiers, je ne connais personne qui brûle ses livres, ils sont généralement donnés ou jetés au recyclage.
Pour le livre papier, il me semble qu’un élément qui peut avoir son importance c’est la quantité de livres qui sont détruits : par édition on imprime une certaine quantité de livres, en espérant les vendre tous. Mais si le livre fait un flop, l’éditeur se retrouve avec un gros stock sur les bras. Plutôt que d’entretenir des entrepôts de livres qui ne se vendent pas, les livres partent au pilon et sont détruits. Ça représente 20% des livres produits : https://www.lexpress.fr/culture/livre/voyage-au-bout-du-pilon_820222.html
Merci pour ce commentaire très détaillé.
En effet, je n’ai pas parlé de la pollution liée à l’extraction des métaux, des hydrocarbures, etc. Pour les hydrocarbure, il en faut aussi pour le livre papier.
Pour l’électricité qui sert à charger une liseuse, cela dépend d’où elle vient. En France, on tourne beaucoup au nucléaire qui a de nombreux problèmes mais pas celui de la pollution (autre que par les radiations en cas d’accident – mais cela ne produirait pas de dérèglement climatique).
Pour le coût écologique de production d’une liseuse, il est assez faible puisque ce sont des machines très simples. On est loin d’une TV ou d’un ordinateur mais sans doute proche de celui d’un smartphone ou d’un réveil. Ce qui pose problème c’est sans doute le transport depuis la Chine (lieu de fabrication des liseuses). Malgré un poids comparable celui d’un livre papier (200 grammes), une liseuse voyage beaucoup !
Pour le transfert d’un ebook vers sa liseuse (supposons par Wifi depuis un serveur situé à l’autre bout du monde), tout dépend encore de l’énergie utilisée et de son mode de fabrication : renouvelable ? nucléaire ? hydroélectrique ? éolien ? charbon (bonjour l’Allemagne) ? pétrole ?
Dans tous les cas, malgré mes critiques, merci beaucoup pour cet article, en espérant le voir continuer d’évoluer. Je suis passé à la lecture numérique pour des raisons pratiques il y a environ 10 ans : un accès à tout un tas de ressources, notamment gratuites, pour un encombrement minimum. Depuis j’ai pas mal suivi l’actualité des liseuses et je me suis très longtemps posé la question du renouvellement de ma liseuse : pour quelles avancées, pour quels nouveaux usages (et j’ai attendu 10 ans pour changer). Et à ce niveau la question écologique entre en compte : si je change trop souvent alors que ma vieille liseuse fait déjà le job, c’est sûr que c’est pas écolo. Si je change pour limiter mes impressions (notamment beaucoup d’articles scientifiques) et mes achats de livres papier, à partir de quand c’est rentable du point de vue de l’environnement ? à partir de quand c’est vraiment viable du point de vue technique (par exemple, j’ai une vieille sony prs 650 avec un stylet, c’est possible d’annoter des pdf avec, mais c’est pas pratique du tout) ? Et donc cet article m’intéresse beaucoup pour essayer de répondre à ces questions. Malheureusement ce sont des questions très difficiles.
Merci pour cette grosse blague
On aura apprécié des arguments un peu plus développés pour élever le débat monsieur Gautier.
Entre deux technologies, pour savoir quelle est la plus polluante, il n’y a qu’une méthode: regarder et comparer les chiffres.
L’ADEME publie des rapports très complets en analysant le cycle de vie complet des objets.
L’empreinte CO2 d’un livre papier (300p) est environ 1kg.
La fabrication d’une liseuse est (de mémoire) autour de 45 ou 50kg. L’usage et le transfert des livres ont une empreinte faible par rapport à la fabrication
Avec une durée de vie de 5 ans il faut donc lire 9 à 10 livres par an pour que la liseuse soit plus écologique.
Avantage du livre: on peut le prêter voir le donner à une bibliothèque.
Avantage de la liseuse: être dans un endroit isolé et éviter des trajets pour aller chercher des livres.
Bonjour, j’ai une Kindle paper white depuis 2015, dont je change la batterie depuis 2015, dès qu’elle est cassée. je ne change donc pas ma liseuse et je lis beaucoup! comme ces liseuses première génération ont un confort de lecture très proche de celui du papier, je préfère même me promener avec tous mes bouquins dans la poche, plutot que d’encombrer des étagères (et avoir besoin d’une trop grande maison!) avec mes livres. Je n’achète quasiment plus de livres papier, sauf les livres de prix (anciens) ou ceux pour mon travail de prof, et le plus souvent d’occasion…