J’ai failli passé à côté de cette information qui est pourtant de taille. Dans le cadre d’une réflexion sur le livre numérique, l’Europe s’est interrogée sur certains points précis : le prix du livre numérique et l’interopérabilité.
Rappel des fais
Avant toute chose , voici un petit point sur la problématique de l’interopérabilité. Ce concept est très simple : il s’agit de faire en sorte qu’un ebook acheté sur une liseuse (ou tout service en ligne) soit aussi compatible sur une liseuse d’une marque différente. Ainsi, lorsque je change de liseuse, je peux toujours lire les livres que j’ai acheté pour mon ancienne liseuse.
Pourquoi est-ce un problème actuellement ? Tout simplement car les différents fabricants de liseuses et de tablettes ont misés sur des formats d’ebooks qui ne sont pas compatibles entre eux. Ainsi, un livre acheté sur iBooks (sur un smartphone ou une tablette iPad) ne sera pas compatible avec ma Cybook. De même, pour mes livres Kindle. Une fois acheté sur Amazon, mon livre n’est lisible que sur une liseuse Kindle (ou via les logiciels « Kindle » fournis par Amazon), etc.
De plus, pour vous empêcher de transférer un livre ebook d’une liseuse à une autre (et d’en faire une copie), les constructeurs et éditeurs ont mis au point ce qu’on appel un DRM (Digital Right Management) aussi appelé verrou numérique. Il s’agit d’une protection qui nous empêche de jouir pleinement du livre que nous avons acheté.
Vers un éclaircissement
Si ces problèmes semblaient immuables il y a encore quelques semaines, plusieurs faits viennent changer un peu la donne.
D’une part, la ministre Fleur Pellerin a remis le sujet sur la table : pour elle les livres ebooks doivent être interopérables (voir ici). On doit donc pouvoir les lires sur n’importe quelle liseuse ou tablette une fois qu’on en a acheté un.
Pour la ministre, le système doit être complètement interopérable grâce à l’utilisation d’un standard. Si tout les acteurs de l’économie du livre numérique arrivent à se mettre d’accord autour d’un format unique (comme l’EPUB par exemple), alors il sera facile de transférer les livres numériques d’un support à un autre.
C’est aussi intéressant car, au même moment, Cultura essaie de sensibiliser les lecteurs à ces problèmes grâce à une campagne de publicité (voir image ci-dessous) :
L’offensive de l’Europe
Pour le moment, ces nouveaux éléments étaient 100% français. Mais, depuis lundi la position de l’Europe a avancé puisque l’Allemagne a aussi apporté son soutien à l’initiative de la France.
D’une part, l’Allemagne a donné son accord à l’établissement d’un prix unique pour le livre numérique. Pour eux, ce point doit être intégré dans le droit européen.
Mais, plus important encore, l’interopérabilité est aussi au cœur des attentes des allemands. Les politiques veulent donc bien encourager la « portabilité des contenus achetés« . Ce qui signifie simplement qu’un ebook acheté sur une plate-forme de téléchargement devra être lu sur n’importe quelle liseuse. (à lire ici)
Un bon point pour l’Allemagne qui aligne donc sa position sur celle de la France. Si, pour le moment, on ne parle que d’encourager l’interopérabilité, on sait que les pratiques d’Amazon sont particulièrement mal vues. Qu’il s’agisse d’optimisation fiscale ou d’utilisation de DRM, l’Europe pourrait envisager l’application d’une loi visant à rendre les livres numériques vendus en Europe interopérables. Ce serait un vrai coup dur pour Amazon si une telle chose arrivait.
Mais, pour le moment, rien de tout cela n’est au programme (malheureusement). Ce qui ne nous empêche pas d’extrapoler un peu…
Si les livres numériques sont interopérables, est-ce la fin des DRM ?
Rendre les ebooks interopérables rendrait très compliqué la mise en place d’un DRM. En effet, le DRM a pour vocation d’empêcher la propagation des ebooks dans la nature (en clair : faire des copies des livres pour les donner à ses proches ou les partager sur Internet).
Rentre interopérable les livres signifie l’adoption d’un seul et unique système de DRM. Ainsi, ils devront tous se mettre d’accord pour choisir le même DRM. De tels systèmes existent déjà, puisque Adobe propose une protection DRM pour les ebooks.
Mais, Amazon, Google et Apple seront difficiles à convaincre. Ces trois acteurs ont déjà mis en point leurs propres procédés de protections des ebooks. Il sera donc sans doute difficile de mettre au point un DRM unique pour tous les acteurs du livre numérique.
Il existe aussi un autre système de protection par mot de passe du fichier ebook qui est détaillé dans cet article. L’utilisateur devra alors se souvenir du mot de passe de chaque ebook pour le lire…Pas très pratique je trouve !
L’autre solution serait tout simplement d’arrêter d’utiliser des DRM. Si l’idée semble étrange (ne plus protéger les fichiers reviendrait à favoriser le piratage), on peut se souvenir de ce qui s’est passé pour l’industrie de la musique.
Au début des années 2000, la plupart des fichiers MP3 ont été protégés par des DRM très puissants. Mais, le succès n’a pas été au rendez-vous. Les acheteurs avaient du mal à lire leur musique sur d’autres appareils, certains lecteurs MP3 n’étaient pas compatibles entre eux, etc. (cela doit vous rappeler quelque chose)
Ainsi, de nombreux vendeurs de disques et de fichiers musicaux en MP3 ont du abandonner leur système de protection. A tel point que Amazon, lui-même, a fini par proposer des fichiers MP3 sans DRM.
Il y a fort à parier que l’industrie du livre suive le même chemin.
Donc, à mon avis, l’imposition d’une interopérabilité par l’Europe pourra signer la fin des DRM sur les ebooks. Mais la résistance des intéressés (Apple et Amazon en tête) sera très vigoureuse !
J’espère fortement que les choses avanceront à ce niveau dans les prochains mois.
Article TRES intéressant !