Les derniers chiffres de l’Association of American Publishers (AAP) viennent de tomber : les ventes de livres numériques sont en baisse de 24,9% au moins de janvier 2016 par rapport à janvier 2015.
Le déclin des ventes d’ebooks enregistré tout du long de l’année 2015 aux USA semble se poursuivre malgré une baisse du prix des ouvrages (voir ici).
Il y a donc quelque chose de cassé au niveau des ventes d’ebooks aux USA. Est-ce le manque de variété dans l’offre ou alors des prix qui sont toujours trop élevé ? (les éditeurs avaient choisi d’augmenter massivement le prix des livres numériques en 2015)
Peut-être qu’il s’agit simplement d’un mauvais mois et que les ventes vont remontées dans les mois suivants. Toujours est-il que ces chiffres forcent les éditeurs à réfléchir sur leur stratégie d’édition.
Pour aller plus loin dans l’analyse voici les variations des ventes pour les autres support :
- livres papiers (grand format) : -18,7%
- livres de poches : +4,3%
- livres numériques : -24,9%
- livres audio : +30,1%
Si on note que les livres audios sont clairement en forte progression, les livres papiers aussi sont en baisse significative à l’exception des livres de poches (moins chers).
Mon analyse c’est que la baisse des ventes est due à deux choses :
- le prix du livre numérique encore trop important
- la manque de nouveautés attractives
Ces deux facteurs expliquent à la fois la baisse des ventes des ebooks et du papier et la hausse des ventes du format poche (livres réédités moins chers).
Source : GoodEReader
Le piratage des ebooks peut aussi expliquer cela…
Il faut garder à l’esprit que cette baisse, assez stupéfiante pour une industrie encore naissante et qui devrait logiquement croître d’année en année, est une baisse de la valeur. Ce sont donc les revenus qui diminuent, pas le nombre de titres vendus.
Or deux phénomènes récents sont venus troubler le commerce de livres électroniques : d’une part les titres publiés sur la plateforme d’édition d’Amazon qui sait les mettre en avant et les rendre aisément accessibles sur la liseuse N°1 aux États-Unis, et d’autre part les titres auto-publiés ailleurs. Ces titres se vendent massivement, et à des prix dérisoires (entre 1 et 3 dollars). Les ventes sont de plus en plus nombreuses, mais paradoxalement cette hausse n’impacte que marginalement les chiffres de l’économie du livrel exprimés en valeur. Et bien entendu, si ces titres se substituent à ceux de l’édition traditionnelle, on arrive à cette situation paradoxale dans laquelle les livrels se vendent davantage que l’an passé tout en générant une valeur bien moindre.
Un article et des chiffres détaillés illustrent ces tendances :
http://fortune.com/2015/09/24/ebook-sales/
Bien entendu, aucune explication unilatérale ne saurait épuiser ce phénomène de baisse des ventes/valeur. On peut citer pêle-même augmentation du prix des livrels issus de l’édition historique, le piratage, le phénomène de lassitude vis-à-vis du numérique (digital fatigue), la prise de recul des « early-adopters » des Kindle qui finissent par regretter l’achat de versions électroniques, l’épée de Damoclès qui pèsent sur les achats en raison des DRM, la concurrence toujours plus farouche d’autres médias/loisirs…
Néanmoins, ces chiffres sont un réel camouflet pour l’édition, qui voit s’envoler l’eldorado qui se dessinait dans les premières années suivant la commercialisation des Kindle. C’est un très mauvais signal donné aux marchés qui sont en retard, comme la France, où le monde de l’édition va sans doute se détourner davantage de la vente de fichiers, à l’exception de quelques acteurs minoritaires.