Après des années de débats et de discussions sans fin, l’Europe annonce que l’accessibilité de certains produits high-tech, dont le livre numérique (ou ebook), devra être améliorée à partir de juin 2025.
Pour mémoire, cela fait plus de 10 ans que je couvre ce genre d’annonce. J’ai retrouvé un article daté de décembre 2013 qui annonçait déjà que l’Europe allait demander l’interopérabilité des ebooks : https://www.liseuses.net/europe-ebook-drm/
Force est de constater que 10 ans après, rien n’a bougé !
Enfin, on sait maintenant que cela pourrait changer en 2025 puisque les contours d’une évolution sont prévus à la suite de la publication d’un décret le 14 août 2023 qui vise à appliquer une directive de 2019 : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019L0882&from=ES
Tout d’abord, il est intéressant de souligner que c’est une fois de plus la France qui retarde l’accès à la culture au plus grand nombre ! C’est en effet, ce pays qui traînait les pieds depuis 2019. Pour celles et ceux qui connaissent les coulisses du monde de l’édition et de la culture, ce n’est pas vraiment une nouveauté (entente sur les prix du livre organisé par l’Etat, subventions à foison, taxe anti-commerce des livres en ligne, etc.).
C’est décevant puisque cette directive vise à aider l’accès aux services numériques à toutes les personnes sans distinction en mettant l’accès sur l’accessibilité – et donc le handicap !
Ensuite, voici, en gros, ce que contient ces nouvelles directives européennes pour le livre numérique :
- Un livre numérique devra contenir des éléments audios pour faciliter la lecture des personnes malvoyantes (aider les personnes qui ont un handicap)
- Un livre numérique ne doit pas empêcher son usage avec un logiciel ou matériel utilisé par les personnes qui souffrent d’un handicap (la question du DRM se pose déjà avec ce point)
- Un livre numérique ne doit pas bloquer les options de personnalisation de la mise en page, de la taille des caractères, du choix de la police d’écriture, etc.
- Un livre numérique doit indiquer, via des métadonnées quelles sont les options d’accessibilité disponibles
- Le DRM des livres numériques ne doit pas bloquer l’usage des fonctions d’accessibilité
En clair, tout ceci signifie principalement deux choses :
- Les liseuses et ebooks devront avoir des fonctions d’accessibilité parmi lesquelles la possibilité de faire de la synthèse vocale (c’est, en tout cas, comme cela que je comprends le texte).
- La question de l’interopérabilité n’est pas tranchée. En tout cas, ce n’est pas clair pour moi. Les DRM seront toujours bien présents, mais est-ce que l’on pourra transférer facilement un ebook d’une liseuse à l’autre ? Pas sûr…
Pour terminer de noircir le tableau, le texte prévoit que tout ceci ne s’appliquera pas pour tous les livres numériques (et matériels de lecture) sortis avant 2025.
Pour tout ce qui est disponible avant 2025, les acteurs du marché ont jusqu’en 2030 pour se mettre en conformité.
Cerise sur le gâteau : il sera possible de ne pas appliquer toutes ces règles, et donc de ne pas respecter la loi, si on arrive à prouver que la « charge est disproportionnée » pour l’entreprise.
J’imagine que les juristes des principaux éditeurs français et les acteurs comme Apple, Kobo ou Kindle ne manqueront pas de mettre en avant ce fait pour retarder la mise en conformité le plus longtemps possible.
D’ailleurs l’Arcom a déjà expliqué que ce texte était inapplicable : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047984594
Ce texte est une mascarade, surtout qu’on a déjà des acteurs qui respectent presque 100% du texte !
C’est le cas de Vivlio qui propose des liseuses et des ebooks avec DRM transférable et fonction de synthèse vocale pour les personnes qui souffrent d’un handicap.
Je vous invite d’ailleurs à vous renseigner sur la nouvelle liseuse française Vivlio Inkpad 4 qui est très intéressante.